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Bangladesh dans la tourmente : 150 millions de voix sans réponse

Bangladesh dans la tourmente : 150 millions de voix sans réponse

Bangladesh dans la tourmente : 150 millions de voix sans réponse

Par Kadir Duran

Le 22 avril dernier, j’ai assisté à une conférence de presse portant sur les violences politiques au Bangladesh, en particulier les persécutions présumées contre les membres et partisans de la Ligue Awami. Organisée par M. Bazlur Rashid, cette conférence a révélé des témoignages accablants sur les dérives du pouvoir en place. À travers ce compte rendu, j’entends retracer l’histoire récente du Bangladesh et alerter sur les menaces actuelles pesant sur la démocratie dans ce pays de 160 millions d’habitants.

Photo IA 

 

Contexte historique : des cendres de la guerre à l’espoir démocratique

Le Bangladesh, officiellement République populaire du Bangladesh, est né dans la douleur. Après une guerre d’indépendance dévastatrice contre le Pakistan en 1971, coûtant la vie à trois millions de personnes, le pays s’est construit autour de figures historiques comme Sheikh Mujibur Rahman, « Père de la Nation », fondateur de la Ligue Awami.

Sa fille, Sheikh Hasina, lui succèdera politiquement, exerçant les fonctions de Première ministre de 1996 à 2001, puis de 2009 à 2024. Malgré les critiques sur sa gouvernance autoritaire, elle incarne pour beaucoup un pilier de stabilité.

 

Un pouvoir contesté, un renversement brutal

Les élections générales de janvier 2024, boycottées par une grande partie de l’opposition, ont vu la victoire sans surprise de la Ligue Awami. Mais dès juillet, une révolte étudiante contre le système de quotas a enflammé le pays. En août, Sheikh Hasina est contrainte de fuir, sans démission formelle, selon des sources officielles. Elle serait actuellement réfugiée en Inde, affirmant rester Première ministre légitime.

Le 8 août 2024, Muhammad Yunus, figure mondialement connue pour son prix Nobel de la paix et sa Grameen Bank, est nommé chef du gouvernement intérimaire par le président Shahabuddin.

 

Crise actuelle : la descente aux enfers

Depuis cette transition, le pays s’enfonce dans une spirale de violences. Ce qui avait commencé comme un mouvement étudiant s’est mué en révolte nationale, marquée par des exécutions sommaires, des persécutions ethniques et religieuses, et une recrudescence du fondamentalisme islamiste.

Selon de nombreux témoignages, y compris ceux rapportés lors de la conférence, la répression menée contre les partisans de la Ligue Awami relève d’une campagne systématique de terreur.

Exemples documentés de persécutions :
    •    Exécutions extrajudiciaires : comme à Saghata, où des militants ont été torturés à mort.
    •    Lynchages publics : tel celui d’Abdullah Al Masud, ancien dirigeant étudiant.
    •    Assassinats politiques : notamment MA Momin Patwary, tué lors d’un hommage à Mujibur Rahman.
    •    Violences ciblées contre les familles et destruction de biens privés.
    •    Répression judiciaire : près de 200 000 personnes poursuivies, souvent sans fondement.
    •    Menaces contre la presse : journalistes attaqués, rédactions saccagées.
    •    Attaques contre les minorités : plus de 1 000 foyers de minorités religieuses ciblés en deux semaines.

 

Muhammad Yunus : de Prix Nobel à acteur controversé

Considéré comme le « banquier des pauvres », Muhammad Yunus a longtemps été salué pour son innovation dans le microcrédit. Pourtant, son modèle, notamment avec la Grameen Bank, a été accusé de pratiques usuraires (taux de 45 %), plongeant des milliers de femmes dans la détresse et l’endettement.

En août 2024, Yunus aurait refusé de comparaître devant la justice pour une affaire d’évasion fiscale portant sur 666 millions de dollars.

Des rumeurs persistantes l’accusent d’avoir soutenu les mouvements étudiants et financé la déstabilisation du gouvernement Hasina à hauteur de plus de 360 millions de dollars. Certains évoquent un soutien indirect de réseaux étrangers, dont des figures politiques américaines.

 

Une démocratie piétinée

Ce qui se passe aujourd’hui au Bangladesh n’est pas une alternance démocratique. C’est une dérive. La justice est manipulée, les libertés fondamentales piétinées, et le pays dérive vers un régime autoritaire, voire vers un État en faillite.

Des groupes extrémistes comme Hizbut Tahrir ou même des cellules affiliées à l’État islamique profitent de cette instabilité pour gagner du terrain. La promesse d’un « Bangladesh califat » n’est plus une simple rhétorique. Les armes circulent, les commissariats sont attaqués, les minorités persécutées.

 

Appel à la communauté internationale

Le silence de la communauté internationale est assourdissant. Aucun grand média ne relaie ces violences. Les Nations Unies, malgré quelques signaux, n’ont encore pris aucune position forte. Pourtant, la situation exige une réponse.

Le Bangladesh est au bord de la guerre civile. Son peuple, pris entre dictature et fondamentalisme, appelle à l’aide. L’Europe, les États-Unis, les institutions multilatérales doivent exiger le respect des droits humains, l’organisation d’élections libres et le retour de l’état de droit.

 

Conclusion : Un pays à la croisée des chemins

Le Bangladesh vit une tragédie silencieuse. La campagne de terreur menée contre la Ligue Awami, les minorités, les journalistes et la population dans son ensemble ne peut rester impunie. L’avenir de la région dépend aussi de la stabilité de ce pays de 170 millions d’âmes.

La communauté internationale doit entendre cet appel. Car ce ne sont pas seulement 150 millions de voix qui sont ignorées, c’est toute une démocratie qu’on assassine

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