Les Russes en Ukraine
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De nombreux indices montrent un engagement de plus en plus concret de Moscou auprès de son allié syrien. Même si la Russie continue pourtant d'affirmer n'envisager aucun engagement au sol.
La semaine dernière, Vladimir Poutine avait voulu rassurer : une intervention militaire russe en Syrie serait "prématurée", avait-il assuré en marge d’un sommet économique à Vladivostok. Les raisons de cet émoi : depuis quelques jours, les réseaux sociaux et les médias russophones fourmillent d’informations sur la présence de soldats russes en Syrie.
DES SOLDATS PEU DISCRETS
Sur leur page personnelle Vkontakte (un réseau social russe), beaucoup de jeunes soldats russes ne cachent pas leur présence sur le sol syrien. Comme leurs collègues dont il est possible de retrouver la trace en Ukraine, nombre d’entre eux affichent ouvertement leur situation. Pavel N. par exemple, est un membre de la marine russe de Sébastopol. Jusqu’à fin mai, il télécharge des photos le montrant avec ses camarades dans la ville de Crimée.
Mais fin août, une nouvelle photo le montre devant un camion marquée d’un drapeau syrien. Au cas où le drapeau ne suffirait pas, la photo montre également sa géolocalisation : Tartous, sur le littoral syrien.
Autre exemple, Anatoly G., un membre de la 810ème brigade d’infanterie de marine de Sébastopol.
Son profil Vkontakte indiquait directement "parti en Syrie", avant qu'il ne supprime cette mention.
Des photos d’autres soldats de cette même 810ème brigade peuvent être également trouvées devant des photos d’affiches syriennes représentant Bachar al-Assad et Vladimir Poutine. Plusieurs d’entre elles ont depuis été supprimées des réseaux sociaux, mais sont toujours présentes sur des archives.
TARTOUS, PORT RUSSE EN SYRIE
La présence de ces soldats ne signifie pas pour autant une intervention imminente. Plusieurs de ces photos sont anciennes : elles remontent à juin ou mars 2015, parfois même plus tôt. D’autres photos, présentées comme montrant des soldats russes à Damas ou Homs, ne peuvent pas être authentifiées comme celles de Tartous. La vidéo d’un véhicule de combat russe en Syrie n’est pas d’une plus grande aide : la mauvaise qualité sonore empêche de détecter si des ordres sont effectivement criés en russe. La seule information vérifiable est donc la présence d'un nombre important de soldats dans les environs de Tartous.
En soi, la présence de soldats russes à Tartous n’a rien d’une nouvelle. En 1971, la Syrie, alors dirigée par Hafez al-Assad, cède à l’Union Soviétique des facilités dans le port de Tartous. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une base navale, comme le site est souvent à tort décrit. Les infrastructures sont trop limitées pour être une véritable base militaire, et le port sert principalement au ravitaillement et à la réparation des navires. La faible profondeur du port ne permet pas d’ailleurs de prendre en charge les plus gros navires de la flotte russe.
Après la chute de l’Union soviétique, la Russie conserve ce droit d’utilisation. Si les officiels russes ont fait à plusieurs reprises part de leur volonté de transformer Tartous en une vraie base navale, la révolution syrienne est venue interrompre les volontés de travaux de modernisation. Tartous est donc resté de fait un port avec des usages très limités. C’est pourquoi la présence de soldats russes est significative : leur nombre et la longue durée du séjour des soldats envoyés semblent montrer une nouvelle activité dans ce port, depuis le début de l'année 2015.
DE PLUS EN PLUS DE MATÉRIEL
Or la Russie n'a jamais fait mystère qu’en vertu de contrats signés avec la Syrie des années auparavant, les fournitures en armes et matériel continueraient. Soutien du régime syrien depuis le début de la crise en Syrie, Moscou a toujours respecté cette parole. La présence de nombreux soldats dans un port autrefois peu utilisé semble montrer que les livraisons au régime syrien atteignent aujourd'hui une bien plus grande échelle.
Autre indice, dans le détroit du Bosphore, des observateurs notent la présence accrue de navires de la marine russe, transportant du matériel inconnu. Lundi, c’est le navire de transport "Saratov" qui a été photographié avec à son bord du matériel bâché, ressemblant à des véhicules de transport de troupes. Fin août, c’est le "Nikolaï Filtchenkov"qui avait franchi le détroit en direction de la Syrie, lui aussi chargé de matériel militaire.
Le Saratov le 7 septembre (Alper Boler)
TENSIONS SUR LA SYRIE
Se déclarant inquiets d’un engagement plus marqué de Moscou en Syrie, les Etats-Unis ont réagi. S’ils ne peuvent pas empêcher les bateaux de naviguer dans les eaux internationales, ils ont fait pression sur la Grèce pour que celle-ci ferme son espace aérien aux avions russes, supposés transporter de l’aide humanitaire vers la Syrie. La Bulgarie a annoncé mardi avoir refusé la traversée de son espace aérien à plusieurs avions russes, expliquant avoir assez d’informations pour juger qu’ils ne transportaient pas de l’aide humanitaire. Les Etats-Unis ont rapporté que trois avions de transport militaire ont atterri en Syrie ces derniers jours.
Ces tensions sur le dossier syrien ont lieu peu de temps avant l’assemblée générale des Nations-Unies, qui doit se tenir à New York du 15 au 22 septembre. Selon la presse russe, Vladimir Poutine devrait présenter à cette occasion un plan pour mettre fin au conflit syrien, notamment grâce à une coalition internationale contre l’Etat islamique. D'ici là, il semble vouloir rééquilibrer les forces en faveur du régime de Bachar al-Assad.
Olivier Bories
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